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Gérer les émotions des enfants

           

Les émotions, phénomènes physiologiques nécessaires à notre survie, sont déclenchées par l’amygdale, partie de notre cerveau, suite à une situation vécue. Chez nous les adultes, notre cerveau est assez construit que pour avoir conscience de nos traces émotionnelles et pour pouvoir les gérer. Chez l’enfant, le cerveau est encore en train de maturer et il ne peut faire les connexions nécessaires pour une bonne gestion de ces dernières. Il est en prise avec l’immédiateté de l’émotion et n’est pas encore capable de la relativiser. Facilement envahit par ses émotions, il lui faudra alors l’aide de notre cerveau d’adulte pour l’aider à trouver une issue et pour le guider dans cet apprentissage.


De plus, l’enfant a sa propre façon d’interpréter le monde, son raisonnement est dit « Ã©gocentrique  et magique Â», il est dans un mode de pensée « prélogique Â».  Avec les outils qu’il a, il perçoit le monde de façon parfois incomplète ou déformée ce qui va donner lieu à des réactions émotionnelles parfois bien inattendues à notre regard. Ici nous comprendrons l’importance d’une écoute empathique envers  l’enfant pour pouvoir le rejoindre dans sa réalité et l’aider à comprendre ce qu’il vit.


La gestion des émotions se fait sur 3 plans : l’expression de l’émotion, la gestion de celle-ci et le décodage.


Apprendre à vivre son émotion et gérer son expression.

Tout comme chez l’adulte, les émotions de l’enfant sont avant tout utiles et nécessaires. La colère permet de se réparer, la tristesse permet de tourner la page, la peur de se protéger, etc. Il est nécessaire que l’enfant vive sa joie, sa colère, sa tristesse, exprime sa peur ou sa surprise. Aider l’enfant à vivre son émotion pour en avoir le bénéfice est donc important. L’enfant qui ne vit pas de colère, ne se répare pas, il garde ses blessures et les porte avec lui comme un fardeau. L’enfant qui réprime sa peur risque de se mettre en danger, l’enfant qui a peur d’exprimer sa joie s’empêche tout simplement d’être heureux.

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L’émotion, c’est « le mouvement de la vie en soi Â», c’est « un mouvement qui part de l’intérieur et qui s’exprime à l’extérieur Â», «le mouvement de ma vie qui me dit et qui dit à l’environnement qui je suis Â». L’émotion se vit donc dans le corps et de ce fait, il est nécessaire de la laisser s’exprimer. Faites confiance à votre enfant, il sait ce qui est bon pour lui. Accompagner le lors de la décharge, pendant les pleurs, les cris sans essayer de le calmer d’emblé. Après cette explosion viendra l’apaisement, le bien-être corporel.

S’il n’exprime pas les émotions elles ne disparaitront pas pour autant. Au contraire, elles vont s’accumuler, former un nÅ“ud et risquent de sortir en tornade pour une raison qui nous surprendra probablement : le  gobelet reçu n’est pas de la couleur attendue, le biscuit donné est cassé, etc. Souvent d’ailleurs cet amas d’émotions, ce stress, sortira une fois en présence de la personne avec laquelle il se sent le plus en sécurité, généralement un des parents.

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Une émotion se vit pendant 1 à 2minutes. Si elle dépasse les 4-5minutes, c’est qu’il ne s’agit plus d’une émotion. Il s’agit d’un ensemble d’émotions que l’enfant a accumulées en lui et les sort en un coup, il vit un stress. Que faire dans ce cas ? Sur le moment, le remède le plus efficace est de lui faire un câlin. Cela va libérer de l’ocytocine, une hormone qui détendra son corps et il se relâchera. Avant cela, vérifions bien notre météo intérieure personnelle afin d’être une ressource apaisante pour lui. Il peut aussi être intéressant de l’aider à souffler. Cela dépendra de la circonstance.

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Pour éviter que cela ne se passe équipons le à l’avance, donnons-lui des outils pour vivre l’émotion au moment où elle est là et ce de façon vivable pour lui et pour son entourage. Cela se fait dans le quotidien, à travers des jeux de rôles, des jeux symboliques, des mimes, à 2 ou à plusieurs, face à un miroir, etc. N’ayons pas peur de jouer la colère en tapant des pieds ou d’exagérer le rire de la joie tout en montrant aussi ce qu’on ne fait pas pour autant : se faire mal ou faire mal aux autres. Amenons-le à sentir aussi cette différence entre tension et relâchement dans le corps même lorsque c’est « pour de faux Â». C’est en effet vers cette détente que l’on veut aller et pour y arriver il faut d’abord avoir conscience qu’elle peut exister. Nous pouvons l’aider là-dedans en lui montrant quelques trucs et astuces lorsque la trace de l’émotion est trop forte, qu’il reste une petite boule dans le ventre : souffler, penser aux vagues de la mer qui viennent et qui partent, serrer très fort le poing et relâcher, se faire un auto-massage,… à force il trouvera lui-même ses propres outils.


Les émotions, écoutons-les, nommons les. Aidons l’enfant à « décoder Â».

Les émotions sont aussi des messages pour nous, adultes qui accompagnent l’enfant. Elles nous permettent de comprendre ce qui se passe chez lui et de pouvoir l’aider à mettre du sens sur son vécu. Ca tombe bien car lui-même a besoin de notre cerveau pour l’aider à décoder ce qui se passe chez lui. C’est pour cela qu’il est nécessaire de se connaître également soi face à nos propres émotions. N’hésitez pas pour cela à relire notre article sur les émotions.

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De manière générale, quand on parle d’émotion, il vaut mieux éviter la minimisation et ne pas chercher à faire cesser l’émotion avec des phrases du type : « Ce n’est pas grave Â» « Ca va passer Â» « Ne t’inquiète pas Â». En effet, en agissant comme ça on ne réceptionne pas de l’émotion. Evitons aussi le « pourquoi Â» qui risque d’amener l’enfant à se justifier plutôt que de chercher à comprendre. Il vaut mieux aller au bout de l’émotion pour que l’enfant puisse la digérer, l’accepter et la dépasser. Ecouter et s’intéresser à l’émotion de l’enfant « je vois que tu te sens comme ça… Â» « Qu’est ce qui te met dans cet état … Â» « De quoi as-tu besoin ? Â»  et la valider « C’est normal de se sentir comme ça Â».

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Métaphore : quand nous voulons qu’une fleur grandisse, nous ne lui ordonnons pas de pousser, nous l’arrosons, veillons à la luminosité à laquelle elle est exposée, nous enrichissons éventuellement sa terre. De même, quand nous voulons qu’une personne s’épanouisse, nous ne pouvons pas juste lui ordonner de s’épanouir. Nous devons là aussi l’arroser : avec de l’écoute, de l’empathie, de la validation des émotions, du soutien, de la présence.


Une bonne façon de se montrer disponible et adéquat dans cette écoute  est de se poser  les bonnes questions face au comportement de l’enfant. Pour nous guider Isabelle Filliozat évoque 7 questions à garder en tête :

  • Quel est son vécu ?

*Quelles sont les causes de ce comportement ? Comment associe-t-il les évènements avec son regard ?

  • Que dit-il ?

*Quel message m’envoie t’il ? Tout comportement n’est pas un message mais soyons attentif s’il y a répétition.

  • Quel message ai-je envie de lui transmettre ?

*Nos réponses ont un pouvoir sur les enfants. Nos mots, nos réactions envoient des messages à l’enfant sur ce qu’il est, en tout cas c’est ce qu’il croit. Soyons attentif alors à faire la distinction entre un message d’amour et un message destructeur.

  • Pourquoi je dis cela ?

*Qu’est-ce qui dicte mon comportement ? Mon éducation, la société, la pression d’être un « bon parent Â», un jeu de pouvoir...ou moi-même ?

  • Mes besoins sont-ils en compétition avec ceux de mes enfants ?

*Il est rare que les besoins des enfants et ceux des parents s’alignent. Il est important de garder en tête nos besoins en tant qu’adultes, les reconnaître, sinon il devient difficile de répondre à ceux de nos enfants.

*Au lieu du conflit, pensons « coopération Â». Les fameuses « limites Â» qu’il faut mettre aux enfants sont celles imposées par nos besoins.

  • Qu’est-ce qui est le plus précieux pour moi ?

*N’ayons pas peur de laisser l’enfant bousculer notre programme, nos plans,... Quel est le plus important pour moi en ce moment ?

  • Quel est mon objectif ?

* « Il n’y a pas de bon ou mauvais chemin. Il y a celui qui me mène à destination, et celui qui m’en éloigne. Â»


Ne pas confondre émotions et besoins :

Lorsque mon enfant n’est pas bien, ce n’est pas forcément lié à une émotion. Demandons lui d’abord ce qui ne va pas en nous mettant à sa hauteur. Evidemment, l’enfant n’a pas toujours la capacité verbale pour s’exprimer, il est important alors de vérifier les besoins primaires avant tout : les trois F (faim, fatigue, froid) mais aussi la propreté pour les plus petits. Si tout est comblé alors nous pouvons chercher plus loin, peut-être vers une émotion.


Quelques outils pour familiariser l’enfant avec les émotions :

-Nommer nos propres émotions lorsqu’elles se manifestent chez nous et montrer à l’enfant quels outils nous utilisons. Par exemple :  Â« Je suis fâché, c’est pour cela que je parle fort. Pour m’aider à me détendre, je souffle.»

  • Lire des livres sur les émotions.

  • Utiliser des images, des photos de son entourage en faisant deviner quelle émotion vit la personne ou en les nommant nous-même selon la maîtrise de l’enfant.

  • Mimer les émotions avec lui ou face à un miroir.

  • Pour les plus grands, regarder des films sur le sujet comme « Vice-versa Â». N’hésitons pas à parler et expliquer ce qui se vit pendant le film. L’enfant a souvent besoin de comprendre ce qu’il perçoit sur le moment.

  • Pour les plus grands toujours, dessiner une situation qui a été émotionnellement riche et utiliser le dessin comme support pour échanger sur le sujet.

  • Nous vous avons ajouté ici en pièce-jointe, le carnet des émotions d’Isabelle Filliozat, psychothérapeute et spécialiste de l’enfance. Un chouette outil pour les enfants dès 3ans.


N’oublions pas d’écouter notre enfant, comme écrit plus haut,  laissons le vivre son émotion et aidons le ensuite à mettre des mots dessus. Apprendre à  l’enfant à gérer ses émotions, c’est l’aider à intégrer l’intelligence du cÅ“ur pour devenir une personne attentive à elle-même et aux autres.   


La peur liée au Covid-19 et au confinement :

Plus particulièrement, par rapport au Covid-19 évitons d’exposer les enfants aux informations mais essayons plutôt de les informer nous-mêmes avec des mots adaptés à leur âge. La peur est avant tout contagieuse, s’ils perçoivent de la peur que ce soit de notre part ou de la part des médias, ils y décèleront un signe de danger. Pour pouvoir mobiliser l’énergie nécessaire pour s’en protéger, la peur naîtra chez eux aussi.

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Comme écrit ci-dessus, il est important d’accompagner l’enfant dans cette émotion, écoutons-le et acceptons son ressenti. Il sera aussi nécessaire  d’accueillir notre propre peur pour la reconnaître devant eux et valider ainsi leur vécu. Ensuite expliquons d’où vient cette peur pour y mettre du sens. Pour cela, nous pouvons nous aider des outils créer par des personnes sur internet qui expliquent la situation d’une façon adaptée aux enfants, que ce soit via des bandes dessinées ou des vidéos. Pensons  également à  choisir le bon moment pour dialoguer : être disponible pour l’enfant, pas au coucher.

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Voici quelques exemples de sources :


Une fois que le sens est placé sur cette peur, il peut être bon de lui faire  trouver des réponses, des solutions face à cette peur même si elles sont fictives. Evoquons peut-être déjà les nôtres : règles d’hygiènes mises en place, la distanciation sociale, etc. Et puis écoutons les siennes. Aucunes d’elles ne seront bonnes ou mauvaises, c’est l’enfant qui en décidera. Ensuite, les passer en revue et évaluer « est-ce qu’ainsi tu auras moins peur ? Â». Gardons en tête que « seul le libre choix donne le sentiment d’avoir du pouvoir sur l’environnement et met en condition de dépasser les peurs Â».

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Aussi, lorsque la peur est présente, le diaphragme, muscle sous les poumons, se sert et c’est le corps tout entier qui en ressent une tension silencieuse mais bien présente, comme un sentiment d’oppression. Amenons-le à se relâcher grâce à une respiration profonde, chanter, crier ou même rire.


Ressources  :

Donner des informations sur le Covid aux enfants

Dessin pour enfants anxieux 

Un jeu pour défier les pensées anxieuses de l’enfant

Les réactions les plus fréquentes face au stress en fonction de l’âge et la façon d’y répondre: les enfants de 6 à 12 ans

Les moments difficiles 

Pourquoi mon enfant se met-il en colère ?

Isabelle Filliozat, Au cœur des émotions de l’enfant, Poche Marabout, 1999

Nouvelle brochure de l’ONE

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